Groupe de travail de la CCSR
Décolonisation : équité, diversité et inclusion
Révisé le 13 juin 2024
Le monde universitaire est en train de changer. L’un des aspects de ce changement est la manière dont les universitaires abordent les inégalités en soulevant de nouvelles questions sur les expériences et les voix des personnes marginalisées et historiquement réduites au silence dans les débats dominants de la théologie et des sciences des religions.
Quels sont les défis particuliers auxquels nous faisons face et les opportunités que nous pouvons saisir dans les études religieuses et la théologie au Canada ?
La Corporation canadienne des sciences religieuses est une organisation qui chapeaute un certain nombre de sociétés savantes canadiennes consacrées à l’étude de la religion. Elle promeut les conversations et les publications liées à l’étude de la religion dans un contexte canadien. Elle est, par conséquent, particulièrement bien placée pour faciliter une conversation sur les enjeux de religion, d’équité et de décolonisation.
Membres : Paul Gareau, Néstor Medina, Diana Dimitrova, Mona Tokarek LaFosse
Ce groupe de travail s’est réuni (à distance) les 8 mars, 18 juin et 25 octobre 2021.
Ce rapport présente les éléments suivants :
- Contexte
- Définitions et postulats
- Liste de lecture/ressources
- Réunion de la Fédération
- Proposition de panel(s) de discussion
- Reconnaissance territoriale
- Approches suggérées et meilleures pratiques
- Contexte
En 2019, un groupe de travail a été créé en réponse à une question portant sur l’existence (ou non) d’une politique en matière de harcèlement sexuel au sein des sociétés membres ou de la CCSR. Ce groupe a été formé de Heather Shipley, Christie Mitchell, Diana Dimitrova et Mona Tokarek LaFosse. Celui-ci a convenu, par la suite, que la conversation devait être redéfinie autour des enjeux plus larges d’équité, de diversité et de décolonisation.
En 2021, la Fédération a présenté son document : « Créer une étincelle pour le changement : Rapport final et recommandations : Par le Comité consultatif du Congrès sur l’équité, la diversité, l’inclusion, et la décolonisation »
- Définitions et postulats
Le groupe de travail s’est d’abord interrogé sur les définitions et postulats suivants :
- Les termes « équité », « diversité » et « inclusion » sont-ils utiles ? Des questions ont émergé concernant les différences entre l’égalité, l’équité et la justice.
- La notion de « décolonisation » constitue, selon nous, une meilleure base pour notre travail commun en reconnaissant et faisant place à la diversité ainsi qu’au travail et aux relations co-constitutives.
- Nous avons discuté de la centralité actuelle des épistémologies coloniales dans le monde universitaire ainsi que des enjeux systémiques qui ont été au centre de la décision de la BCAS de se retirer du Congrès en 2021. Nous nous sommes interrogé.e.s sur la manière dont les sciences religieuses pourraient faire de la place aux épistémologies BIPOC ainsi qu’aux valeurs qu’elles mettent de l’avant.
- Il est important de trouver un langage commun et partagé pour pouvoir en parler. Nous avons constaté que nos conversations étaient plus productives et instructives lorsque nous avons exploré ensemble ces idées.
- Liste de lecture et ressources
Nous avons rassemblé un certain nombre de ressources. Les documents suivants ont été utiles pour entreprendre nos réflexions :
Gaudry, Adam et Danielle Lorenz. (2018). « Indigenization as inclusion, reconciliation, and decolonization: navigating the different visions for indigenizing the Canadian Academy». AlterNative 14(3):218–227. https://doi.org/10.1177/1177180118785382
Medina, Néstor et Becca Whitla. 2019. « (An)Other Canada is Possible: Rethinking Canada’s Colonial Legacy». Horizontes Decoloniales/Decolonial Horizons 5(septembre):13-41.
- Réunion de la Fédération
Le 23 novembre 2021, Mona a brièvement parlé du travail de ce groupe lors de la réunion du Forum des membres de la Fédération dans le cadre d’une discussion sur l’équité, la diversité, l’inclusion et la décolonisation. La contribution a été résumée comme suit :
Un.e président.e d’association a expliqué que son association est membre d’un autre organisme parapluie qui a créé un groupe de travail sur l’EDID, et que son association collabore avec d’autres associations faisant partie de ce groupe de travail. Il recommande cette pratique, car celle-ci a mené à de la collaboration très productive avec des collègues avec qui il n’avait pas travaillé par le passé.
- Table ronde(s)
Le 9 mai 2022, nous avons organisé une table ronde en ligne, intitulée « Disrupting Colonialism in the “Study of Religion” », avec les quatre membres du groupe de travail. Au cours de cette table ronde, nous avons partagé certaines de nos idées et des enseignements tirés des discussions de notre groupe de travail.
Nous recommandons la tenue d’un panel avec les membres représentants de toutes les sociétés savantes de la CCSR, ouvert à toutes et à tous, lors des prochains congrès annuels. L’objectif de ce panel serait de débattre des idées et des implications de la décolonisation à partir de nos champs disciplinaires respectifs. Nous envisageons cela comme une sorte de cercle de discussion qui aborderait certains ou tous les points suivants :
- Les cadres interprétatifs dominants en tant qu’herméneutiques, visant à discuter la manière dont nous pouvons engager de manière critique notre propre en déconstruisant nos logiques ou nos interprétations (positionnalité et position sociale : qui suis-je, d’où suis-je ?)
- Le dialogue interreligieux et la décolonisation
- L’impact et l’influence de la DNUDPA en centrant nos réflexions sur la décolonisation et l’autodétermination dans nos disciplines des sciences religieuses.
- Plutôt qu’une discussion théorique, se concentrer sur la façon dont nous, en tant que sociétés savantes, pouvons répondre à l’orientation de la Fédération en proposant des actions concrètes pour que la décolonisation se reflète dans nos sociétés, avec un accent particulier sur les contextes académiques canadiens.
- Reconnaissance territoriale
- Pour les réunions virtuelles : la présidence reconnaît le territoire traditionnel où elle se trouve et invite les autres à en faire de même. Voir : https://www.caut.ca/fr/content/guide-de-reconnaissance-des-premieres-nations-et-des-territoires-traditionnels
- Une reconnaissance territoriale ne devrait pas être une simple formalité, mais doit également reconnaître le colonialisme, ici et partout dans le monde (ainsi que les personnes nouvellement arrivées et les personnes déplacées). Elle remet en question l’idée selon laquelle la possession ou la propriété du territoire est normative, soulignant plutôt la « dépossession » du territoire. Elle révèle notre statut de personnes invitées sur ce territoire et encourage une relation à celui-ci. Elle va ainsi à l’encontre d’une mentalité occidentale qui consiste à se battre pour « ce qui m’appartient » et pour l’exclusivité.
- Aller au-delà d’une simple reconnaissance :
- Qu’est-ce que cela signifie ?
- À quoi cela ressemble-t-il ?
- Guides de prononciation
- Reconnaître et comprendre s’il s’agit de terres visées par un traité ou de terres non cédées
- Comprendre pourquoi faire une reconnaissance territoriale et apprendre à le faire sans gêne
- Approches suggérées et meilleures pratiques
Nous soumettons les propositions suivantes au conseil d’administration de la CCSR. Ces propositions pourraient être affinées puis partagées aux sociétés membres :
Questions et observations préliminaires :
- Quel est notre rôle en tant que chercheuses et chercheurs en sciences des religions et en théologie ?
- Il ne s’agit pas seulement ici de savoir comment transformer une conférence, mais d’opérer un changement systémique.
- Lorsque davantage de femmes et de personnes racisées ou issues de minorités seront embauchées dans les départements universitaires et impliquées dans les sociétés et les conférences, d’autres se joindront. Nous avons besoin de modèles auxquels les membres de la communauté étudiante puissent s’identifier.
- Cela implique la création d’espaces où les gens se sentent suffisamment en sécurité pour se révéler au lieu d’avoir à « changer de code ». Il y a racisme implicite lorsque des personnes racisées ou sexualisées sont constamment sommées d’expliquer leur position ou positionnalité.
- Une approche décolonisée situe ma propre épistémologie sans nier celle des autres. Il s’agit d’une relation co-constitutive où personne ne possède l’autre.
- Il s’agit d’un appel à la décolonisation de la connaissance.
Voici six suggestions d’actions concrètes pour aller de l’avant (en gardant à l’esprit les recommandations de la Fédération) :
- La programmation : les programmes devraient être organisés de manière à permettre aux personnes marginalisées d’y avoir accès.
- Les panels : les panels ne doivent pas être composés uniquement de personnes blanches et/ou d’hommes.
- Le langage et le pouvoir : il convient de prêter attention à la manière dont l’équité et la justice sont abordées ; l’équité et la justice ne sont pas des « faveurs » accordées, mais une manière de reconnaître l’enrichissement mutuel.
- L’équité dans la représentation : les personnes présentant des communications, modérant des discussions et les membres du comité exécutif doivent refléter une représentation équitable.
- S’approprier l’histoire : la manière dont l’histoire a façonné l’entreprise universitaire doit être admise, prise en compte, discutée et mener à des actions concrètes.
- Les appels à communications : la manière dont l’appel à communications est formulé et conçu doit être telle qu’elle invite les personnes (par exemple, les personnes BIPOC) à présenter et à se sentir en sécurité pour le faire.
Meilleures pratiques :
- Invitez des panélistes provenant d’un large éventail de personnes, de groupes différents.
- Demandez des soumissions en utilisant une formulation invitante, par exemple : « Les personnes appartenant à des groupes racisés ou minoritaires sont particulièrement encouragées à soumettre une proposition ».
- Veillez à ne pas privilégier l’anglais par rapport au français, en particulier dans les sociétés qui se disent bilingues.
- Envisagez de poser des questions sur la positionnalité, c’est-à-dire la position située des personnes, en plus de la reconnaissance territoriale : « d’où suis-je » ? Souvent, nous ne prenons pas le temps de le faire alors que cela contribuerait à décentrer les identités blanches et coloniales.
Résumé par Mona Tokarek LaFosse au nom du groupe de travail.