Canonisée en 20212, à l’heure du projet de réconciliation entre la société, les Églises et les peuples autochtones du Canada, Kateri Tekahkwitha (1656-1680) est célébrée par les uns comme une figure d’unité entre les Premières Nations et la société allochtone, et par les autres comme la victime du colonialisme et de la mission chrétienne. Ce livre examine le processus colonial au coeur de la mission en Iroquoisie et expose la créativité des Iroquois catholiques dans leur invention d’un christianisme original.
Kateri Tekahkwitha et les siens ne peuvent avoir été que profondément iroquois, tant par leur cosmologie que par leur réaction au fait colonial, qui ont très probablement orienté leur réception de la foi chrétienne au-delà de ce que les premiers hagiographes pouvaient en comprendre. Cependant, la tradition sur Kateri construit son récit comme un miroir où se mirent les hagiographes d’hier à aujourd’hui, avec leurs propres cultures, sensibilités, aspirations et préoccupations. Ce miroir accommodant, on propose de le dépasser ici, dans cet essai de théologie décoloniale et interculturelle.
Si ce livre explore un thème historique, c’est à partir d’une question d’aujourd’hui : comment des allochtones pourraient-ils nouer avec un patrimoine spirituel autochtone un rapport respectueux de son altérité et des premières collectivités auxquelles il appartient, tout autant que porteur d’un chemin de décolonisation spirituelle ?
Jean-François Roussel est professeur à l’Institut d’études religieuses de l’Université de Montréal. Il mène des recherches sur la décolonisation du christianisme, sur la réconciliation et sur les théologies autochtones des Amériques.